Le miroir des Monstres
Les monstres
viennent des profondeurs marines ou souterraines, toutes vouées à
l'ombre et au mystère. Il incarne la transgression d'un ordre, le bouleversement
d'un état. Le monstre est un mutant et toute transformation, toute évolution
implique le passage par une phase monstrueuse qui précède et prépare
la renaissance. C'est au nom d'une telle logique que Robespierre jusfiait la
terreur révolutionnaire. Le temps du monstre est un temps de chaos et
de facas. Figure du désordre, il annonce la mort de l'ordre ancien et
l'avènement d'un ordre nouveau. Gardien, obstacle infranchissable, il
indique la présence d'un ailleurs symbolisé par un trésor
dont il défend l'accès. C'est pourquoi le vaincre, c'est aussi
se vaincre soi-même. L'homme qui l'affronte mourra quoi qu'il advienne,
soit pour disparaître à jamais, soit pour renaître en héros.
Il y a donc, dans le monstre, ambivalence entre le bien et le mal : il est à
la fois symbole des puisssnces matérielles et passage obligé vers
le règne de l'Esprit, sans qu'on sache jamais tout à fait qui
l'envoie ni pourquoi.
Le monstre est un épreuve imposée à l'homme pour l'épouver. Ainsi en est-il du Léviathan, "roi de tous les enfants d'orgeuil" (Job, 41, 26). "Lorsq'il éternue, il jettedes éclats de feu, et ses yeux étincellent comme la lumière du point du jour. Il sort sa gueule des lampes qui brûlent comme des torches ardentes." (Job, 41, 10-11). Créatures d'eau et de feu, le Léviathan est la métaphore de nos ambitions : il dort au fond de la mer comme la tentation sommeille au fond de nos consciences. Si l'on admet que les monstres sont la forme de nos fanstasmes, on admettra également que chaque monstre, et mieux encore, peut-être, la manière dont le héros triomphera de lui, est révélateur de la civisation qui le produit
Piero
di Cosimo, qui appréciait de l'Antiquité son aisance à
marier le réalisme et le fantastique, a choisi de mettre en scène
le personnage de Persée. Comme toujours dans les légendes grecques,
le mythe voisine avec la réalité : Andromède,
une jeune vierge, est offerte en sacrifice à Poséidon pour calmer
sa colère et doit être bientôt dévorée par
un horrible monstre marin. Persée survient et offre de la sauver. Les
valeurs glorifiées par son exploit sont la vaillance et la ruse, jointes
à une solide sens des affaires : "Qu'[Andromède]
soit à moi une fois sauvée par ma valeur, et je prends l'engagement
de le faire", propose notre héros aux parents terrorisés
tandis que s'approche le monstre. "Les parents acceptent ces conditions
- qui donc aurait pu hésiter ? - l'implorent, lui promettent par surcroît
un royaume comme dot" (Ovide, les Métamorphoses,
IV). Puisque c'est un bon contrat, Persée l'honore sur-le-champ, massacre
la bête et s'empare de la jeune vierge.
Il en va diférement de Job, qui triomphe de l'épreuve en refusant d'affronter le Léviathan et en s'humiliant devant Dieu. Ce qui nous apprend ceci : les monstres sont des miroirs et la vérité qu'ils détiennent dépend de la nature de leur adversaire.
Source du commentaire : GUILLOU Jean-François, Les Grands Classiques de la Peinture, Paris : Solar; 1995.
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Updated : 03/06/01 | Copyright © A.Matthieu : a_matthieu@yahoo.fr | ![]() |
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