Angleterre - Le romantisme d'Etty
Nous sommes au début de l'ère Victorienne, cette période bénie des Anglais qui voient leur royaume se transformer en Empire. Gardienne de la "civilisation" face aux indigènes aux quatre coins de la planète, la société se veut morale et austère. Dans ce contexte, les nus de William Etty et de son disciple Frost apparaissent comme une provocation, alors que le peintre s'est toujours défendu de ne peindre que des allégories. Pour lui la femme est justement "la plus glorieuse uvre de Dieu", et il ne prétend pas faire du voyeurisme sur ses modèles car sa technique consistait à faire un "patchwork" des parties du corps de différents modèles.
William Etty est né à York d'une famille modeste. Il put néanmoins faire des études à la Royal School Academy grâce à un oncle chérissant. Il fut élu Académicien en 1825 et exposa dès lors régulièrement. Il voyagea souvent en France et en Italie, particulièrement à Venise où il resta 9 mois copier les Maîtres. Il se rendit aussi en Belgique où il étudia Rubens. Il voulait sortir des attitudes conventionnelles pour prendre le corps "par surprise" mais cela paraît surtout préfabriqué.
1840, William Etty (1787-1849)
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Andromeda - Perseus Coming to her rescue 1840 Panneau, 0,81 x 0,63 m Michael Joffé, esq. Cambridge (UK) |
La première toile d'Etty n'est pas une réussite, à cause de la composition, bancale, de la toile : les trois protagonistes ne sont pas reliés, la Princesse regardant vers le ciel et non vers le Dragon ou vers Persée, comme le Dragon qui ne regarde personne. Le peintre a voulu que la figure centrale soit Andromède, qui est plus grande et distordue de curieuse façon. Moins un rival, le Monstre de Mer est plutôt un "écho" de la Princesse : ses rondeurs reprennent la jambe courbée de la Princesse, et il ouvre sa gueule vers le ciel comme elle, et ne semble pas se tourner vers elle. Persée quant à lui ne semble ne semble même pas aller dans la bonne direction. |
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Andromeda after 1840 Panneau 0,66 x 0,51 m National Museum & Galleries on Merseywide (UK) |
Cette deuxième toile nous donne une impression intime avec la Princesse, les chaînes seules pouvant nous évoquer le Mythe. La toile est particulièrement ratée cependant : tandis que l'on peut deviner son tourment en regardant sa téte tournée au ciel, en proie à une intense émotion, la représentation de ses seins, tout en rondeur, et dont un téton se dirige vers le spectateur, nous met crudement face à sa nudité. La combinaison des deux sentiments donne une impression pornographique à la toile, renforcée en cela par la bouche ouverte de la Princesse, symbole du désir sexuel. La femme-martyr est également une femme-mère, ainsi la perspective nous donne l'illusion d'être sur les genoux de la Princesse tandis que son sein généreux nous invite à têter. |
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Perseus and Andromeda after 1840 Canevas 0,76 x 0,61 m Manchester City Art Gallery (UK) |
Une fois encore une mauvaise composition de la toile, réunissant des protagonistes qui semblent isolés dans l'espace : Persée regarde un groupe rubensien de Néréides, tandis que le Monstre semble quand même en cour de pétrification dans son coin. Il ne sert guère qu'à rehausser la beauté d'Andromède par le contraste violent du corps monstrueux sombre et de la blancheur virginale, recouverte par un fin voile transparent. La pose de la Princesse est exagérément classique, elle semble étirer ses bras au sortir d'un sommeil que contrainte par ses chaînes. |
Source des images et du commentaire :
L'excellent livre de Adrienne Munich, Andromeda Chains..., York Columbia
University Press, 1992
page sur Etty et le Mythe http://telematics.ex.ac.uk/molli/realise/travelling/perseus.htm
Le site du Lady Lever Art Gallery (Merseywide) http://www.nmgm.org.uk/walker/picofmonth/etty.html
Il fut un élève fortement influencé par son maître, au point que ses travaux sont parfois difficiles à distinguer de ceux d'Etty. Il peignit aussi principalement des nus, mais de manière plus élégante dans l'ensemble que son maître. Frost récupère la composition rubensienne de son maître mais en fait l'élément central de sa toile, montrant la cruauté des nymphes sous l'apparence joyeuse de filles jouant dans l'eau. Andromède est tourmentée avec une attitude raffinée et calculée, enchaînée par une attache poignet si légère qu'on pourrait presque la confondre avec un bracelet comme celui de la nymphe en bas à droite. En
fait Frost illustre les vers du Milton, dans
"Il Penseroso", qui relatent la
souffrance de la Princesse au milieu de la gaité des Naïades
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![]() Andromeda Huile sur Canevas Christie, Manson & Woods (UK) |
Source des images et du commentaire : L'excellent livre de Adrienne Munich, Andromeda Chains: Gender and Interpretation in Victorian Literature and Art, New York Columbia University Press, 1992
Updated : 17/08/01 | Copyright © A.Matthieu : a_matthieu@yahoo.fr | ![]() |
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